Les militants ouvriers et communistes dans "Le Monde réel" d’Aragon

Les figures militantes – ouvrières dans "Les Cloches de Bâle" et "Les Beaux Quartiers", communistes dans "Les Communistes" – expriment l’engagement éthico-politique d’Aragon et sa volonté d’ériger le militant ouvrier ou communiste en modèle. Investis par une vision idéologique, ces personnages s’inscrivent dans une Histoire et des situations narratives qui permettent à Aragon de dénoncer la responsabilité de la bourgeoisie dans les préparatifs de la Première, puis de la Seconde Guerre mondiale, les romans « à thèse » du "Monde réel" développant une vision cohérente du prolétariat comme victime de la lutte des classes. "Les Communistes" développe la thèse selon laquelle le parti communiste a suivi une ligne continûment anti-hitlérienne depuis les mois qui précèdent la signature du Pacte germano-soviétique. Une typologie des militants fictionnels est établie, dont les actions et l’éthique se manifestent dans des situations narratives privilégiées : la grève, la réunion de cellule, le « travail » clandestin et surtout les persécutions. Celles-ci servent la validation de la justesse des positions du parti. L’éthique du personnage militant communiste est décrite selon un certain sentimentalisme, marquant l’affectivité qui lie le militant (et Aragon lui-même) au parti. Les militants romanesques se voient attribuer des rôles bien précis tel expliquer ou donner la « bonne » interprétation des événements. Ils restent toutefois des personnages romanesques dans la mesure où Aragon s’attache à leurs failles, à leurs hésitations ; mais tous manifestent un esprit de corps et une fidélité à toute épreuve : car telle est l’éthique du militant, étudiée d’ailleurs par les sociologues. La peinture de militants renégats permet de mettre en lumière les valeurs du « bon » militant. Aragon a cherché à se distinguer de Malraux en créant un héros collectif et en insérant ses personnages dans un milieu social ordinaire. Mais il n’hésite pas à faire de certains d’entre eux de purs héros positifs, ce qui explique l’accueil enthousiaste des lecteurs communistes à l’époque de la parution et aujourd’hui la réticence de certains lecteurs devant "Les Communistes"